« Les enfants ne disent jamais rien parce qu’ils se sentent toujours coupables de ce qui leur arrive » - François Truffaut (en voix off, à la fin de l’Argent de poche.)

RENNES, MAI 2021

À STÉPHANE

Tu sais, chaque fois que j’essayais d'écrire sur ma rencontre avec la culpabilité, j'avais les forces qui me lâchaient. J'étais face à un blanc. Le mur de mon enfance, sûrement.

Mais tu vois, tu me donnes aujourd'hui le courage de le faire en retour comme pour honorer le tien, d'avoir pu me dire, alors que tu me connaissais à peine, les racines de la culpabilité chez toi. 

Si aucune culpabilité n'est tout à fait la même, tant elles ont été façonnées par nos histoires de vie, la mienne a plutôt le visage de ma mère, alors que pour toi, elle est plutôt associée à celle de ton père.

La culpabilité m’a fait me sentir que j’étais en faute, que j’avais faux et que je faisais mal. Elle m’as fait croire que j’allais le payer cher et finir seule parce que j’étais mauvaise. Elle m’a fait croire que j’étais une mauvaise fille qui fait honte à sa famille.

Ces mots-là je les ai cachés par honte mais ils sont restés.

La culpabilité et la honte ont dévoré l'enfant que j'étais.

Alors le désespoir est venu me visiter. J'étais abattue.

Je n'avais personne pour me défendre. Alors j'ai gardé tout enfoui.

« Tu te fais des idées ! Tu es folle ! C’est un psychiatre qu’il faut voir.... après tout ce que fait ton père pour toi, tu me reproches cela.... tu me fais honte ! Tu feras, tes enfants, un jour te le feront payer...."

Tu connais toi aussi la chanson.

Tu sais aussi la difficulté pour un enfant de dire pour ne pas faire honte à sa mère ou à son père. Tu sais la difficulté pour un enfant de ne pas se sentir responsable de ce qui se passe. Tu sais la difficulté d'un enfant à ne pas croire la voix d'un parent qui lui dit : " sans moi tu n'es rien ! ", " tu ne mérites pas"

Je n’étais qu’une enfant et je ne méritais pas assurément qu’on me fasse mal et qu’on me dise autant de mal. Mais là n'est pas mon propos.

Tu vois, si je t'en parle aujourd'hui, c’est que je te comprends quand tu dis notre difficulté à nous situer : à savoir si on a raison ou pas de penser ce que l'on pense, si c'est juste de penser cela ! Nous avons du mal à n'arrive nous situer parce la culpabilité nous a fait douter de ce que nous ressentions. S'il y a bien une chose qu'est la confiance en soi : c'est faire confiance à ce qui se passe en soi.

Mais tu vois, peut être parce qu'on est expert de nos manques, la culpabilité en nous éprouvant, nous a révélé aussi à nous-mêmes. En rencontrant la culpabilité , je me suis rencontrée. Il m'a fallu rencontrer ce qui n'était pas moi, ce qui n'était pas de ma responsabilité, pour devenir celle que j'avais envie d'être et d'assumer cette responsabilité-là.

A la longue, j’ai appris à reposer les responsabilités de chacun et ne pas prendre une responsabilité qui n’était pas la mienne... J’ai réussi, je crois, à m’accorder à mes désirs et à les assumer. J’ai eu l'impression que c’était le meilleur moyen de m’affranchir de la honte et de la culpabilité. Assumer d’être celle que j’avais envie d’être. Et c'est vrai, je sens bien que je suis plus légère, vivante et confiante dans la vie aujourd'hui. Cela continue à m'étonner comme si la surprise était là pour me rappeler d'où je viens.

Il me reste la nuit, parfois, cette peur enfouie, enregistrée dans me rêves, que j’ai faux, et que je fais mal et qu'on me met au ban....

Et, peut être que ce texte, au fond, n'est qu'une tentative de rétablir ma vérité, de ce qui a été vrai pour moi, pour ne plus me sentir en faute

Summary: