LA PART DE L'AUBE

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J’ai hésité à t’écrire car ton esprit est maintenant ailleurs, hors de portée des mots. mais je crois que l’amour, au-delà des mots, saura te parler.

On dit souvent que ce sont les enfants qui font naître les mères. A la naissance de ma fille, les souvenirs de mon enfance ont refait surface.

J'ai eu peur de te ressembler et de sombrer, comme toi, dans la dépression.

J’ai alors commencé à retracer le fil de ton histoire et j'ai fini par comprendre pourquoi ton regard était ailleurs, fatigué de tourner à vide un passé qui t’avait brisée et enlevée le goût de vivre.

En te cherchant, je me suis trouvée.

Si on veut connaître une personne disait Christian Bobin, il faut chercher celui ou celle vers lequel sa vie est secrètement tournée.

Moi, très clairement, j'ai voulu échapper à ton histoire.

Et c'est peut être ce que font les enfants : poursuivre ce qui a comblé ou manqué à leur vie, ce qui est resté en suspens, inachevés.

Même brisée, toute vie peut alors se prolonger hors d’elle-même, dans le ciel qu’elle devient pour d’autres vies.

D'une certaine manière, tu m’as conduit vers le meilleur de moi : chercher à comprendre, deviner ce que disent les silences, aider à mettre des mots sur ce qu’on n’ose pas dire, retrouver ce qui nous rend beau et fort pour nous relever avec dignité.